Discours du Premier Ministre Wen Jiabao au 6e Sommet d'affaires Chine-UE (texte intégral)

2010-10-07 15:26

Le 6 octobre 2010, le Premier Ministre du Conseil des Affaires d’Etat de Chine Wen Jiabao a assisté à Bruxelles au 6e Sommet d’affaires Chine-UE et y a prononcé un discours. En voici le texte intégral :

Discours du Premier Ministre Wen Jiabao
au 6e Sommet d’affaires Chine-UE
(Bruxelles, 6 octobre 2010)

Il y a deux ans, au lendemain de l’éclatement de la crise financière, j’ai beaucoup insisté sur la confiance au Sommet d’affaires Chine-UE. Aujourd’hui, c’est du sang froid, de la sagesse et du courage que je vais vous parler. Devant tant de leaders du monde des affaires chinois et européen, j’aimerais apporter des éclaircissements notamment sur quelques questions qui intéressent les entrepreneurs européens, afin de lever les malentendus et de contribuer par là à une meilleure coopération sino-européenne.

Avant de commencer, je voudrais vous rappeler un fait fondamental : le commerce et l’investissement se développent très rapidement entre la Chine et l’Europe. Selon les statistiques de l’UE, l’exportation européenne vers la Chine a augmenté de 4% en 2009, malgré la crise financière qui a entraîné une baisse générale des exportations de l’Union, et ce chiffre a même grimpé jusqu’à 42% dans le premier semestre de cette année. Hier soir, j’ai effectué une courte visite en Allemagne. J’ai dit à la Chancelière Angela Merkel qu’avec un volume mensuel actuel de l’ordre de 10 milliards de dollars US, les échanges commerciaux sino-allemands pourrait dépasser cette année 120 milliards de dollars. Dans son ensemble, le commerce sino-européen pourrait franchir le cap de 500 milliards de dollars en 2010, contre 400 milliards en 2009. Voilà l’état actuel des choses.

Maintenant, sur la question du taux de change du yuan RMB. Hier, durant mes entretiens avec la Troïka de la zone Euro, j’ai appelé les dirigeants et les entrepreneurs européens à ne pas prendre part à la campagne visant à forcer l’appréciation du yuan. Voyons toujours les faits. Le taux de change effectif réel du yuan a augmenté de 55% depuis le lancement de la réforme du régime de change en Chine en 1994, contrairement aux autres grandes monnaies qui ont toutes vu leurs cours baisser. Et depuis juillet 2005 où de nouvelles mesures ont été lancées pour approfondir la réforme, le yuan a gagné 22% face au dollar. Mais durant la même période, l’excédent commercial de la Chine avec les Etats-Unis a continué à augmenter fortement. Nous sommes excédentaires en ce qui concerne les marchandises mais déficitaires en matière de service, en excédent pour ce qui est de la sous-traitance mais en déficit sur le commerce général, en position de surplus vis-à-vis des Etats-Unis et de l’UE mais déficitaires avec le Japon, la République de Corée et l’ASEAN. Cette réalité ne suffit-elle pas pour montrer que le problème n’est pas à chercher dans les taux de change mais plutôt dans la structure commerciale ? Récemment, l’euro a connu de fortes fluctuations, non pas à cause du yuan RMB, mais à cause du dollar. Comment peut-on faire porter la responsabilité à la Chine ? Le déséquilibre commercial est un problème structurel né avec la mondialisation. Il ne faut pas le politiser. L’objectif de la Chine, c’est d’avoir un commerce extérieur équilibré et durable, est non une balance excédentaire.

En janvier 2009, j’ai effectué dans un grand froid une visite en Europe. J’y ai apporté la confiance nécessaire à une lutte réussie contre la crise financière, et en plus, j’ai décidé d’y envoyer rapidement une mission d’achats. L’Union européenne est un partenaire stratégique de la Chine. Sans rester indifférents aux difficultés de certains pays de la zone euro, nous avons, au contraire, apporté des aides à l’Islande, à la Grèce, à l’Espagne, au Portugal et à l’Italie à leur moment le plus difficile, en décidant de garder les obligations en euro et d’en acquérir de nouvelles. Dans le futur, nous continuerons à soutenir d’autres pays et à les aider à sortir des difficultés. Vous savez très bien, Mesdames et Messieurs, que ce qu’a fait la Chine est digne d’une vraie amie.

Si je vous demande de ne pas faire pression sur nous, c’est aussi pour une autre raison. Les entreprises exportatrices chinoises ont seulement une marge de bénéfice de 2 à 3%, au mieux de 5%. Si comme le demandent certains, le yuan s’appréciait de 20 à 40%, de nombreuses entreprises exportatrices chinoises seraient en faillite, les ouvriers perdraient leur travail, les travailleurs migrants seraient obligés de retourner dans leurs villages et il serait difficile de maintenir la stabilité sociale. Une économie chinoise en crise ne sera certainement pas une bonne nouvelle pour le monde.

En 2009, la Chine a contribué à 50% de la croissance mondiale. Elle est, pour beaucoup d’entreprises, un grand marché porteur. Aujourd’hui, je voudrais vous demander encore une fois et en toute sincérité, chers amis, ne nous forcez pas sur l’appréciation du yuan. Nous sommes déterminés à réformer notre régime de change. L’essence de cette réforme est de mettre en place un système flottant dirigé basé sur l’offre et la demande du marché et régulé selon la valeur d’un panier de devises et de rendre progressivement notre monnaie plus souple tout en maintenant sa stabilité relative à un niveau raisonnable et équilibré. Une instabilité du yuan pourrait entraîner l’instabilité des entreprises, de l’emploi et donc de la société, et une économie et une société chinoises en difficulté pourraient être un désastre pour le monde.

Deuxième question, l’environnement d’investissements chinois est-il favorable ou non ? Je voudrais vous affirmer que mon pays poursuivra fermement sa réforme et son ouverture et que cela ne changera point. Seules la réforme et l’ouverture permettront à la Chine de se développer. Les politiques fondamentales en la matière ne changeront pas non plus. La seule chose qui a changé, c’est la gestion des investissements étrangers en Chine, qui est devenue aujourd’hui plus encadrée, donc plus ordonnées.

Sur cette question, votre intérêt porte, je le sais, notamment sur la propriété intellectuelle, l’innovation autonome et le marché public. Je peux vous dire en toute responsabilité que les entreprises enregistrées en Chine selon la loi bénéficient toutes du traitement national et que leurs produits sont considérés tous comme des produits « fabriqués en Chine ». Nous protégeons non seulement votre propriété intellectuelle, mais aussi tous vos autres droits et intérêts légitimes.

Troisième question, l’exportation de matières premières, et pour être précis, de terres rares. Ayant fait pendant de nombreuses années des recherches sur les terres rares, je me crois en mesure de dire quelques mots là-dessus. Il y a deux types de terres rares, les lourdes et les légères. Elles se répartissent dans de différentes régions chinoise, les lourdes se trouvent essentiellement dans le Sud, la province du Jiangxi par exemple, alors que les légères, dans le Nord, notamment à Baotou, en Mongolie intérieure. Dans les années 80 et 90 du siècle dernier, les terres rares n’étaient pas bien gérées en Chine, qui manquait d’ailleurs des technologies de raffinage. Des pays, ils le savent bien, ont acheté à la Chine, au moment de ce grand désordre, une quantité énorme de terres rares à un prix dérisoire, et ils en détiennent aujourd’hui encore un stock important. La production chinoise de terres rares représente une part importante de l’offre mondiale, beaucoup plus important que celle de sa réserve dans le monde. Nous n’avons pas bloqué et ne bloquerons pas nos exportations de terres rares. Notre objectif, c’est d’assurer un développement durable des terres rares, pour répondre non seulement à la demande domestique mais aussi à la demande extérieure, non seulement aux besoins actuels, mais aussi et surtout aux intérêts à long terme. Il est nécessaire de gérer et de contrôler ces ressources, mais il n’y aura pas d’embargo. La Chine ne se servira pas des terres rares comme un outil de marchandage. Ce qu’elle veut, c’est de contribuer au développement durable dans le monde.

La Chine souhaite élargir, approfondir et intensifier ses liens économiques et commerciaux avec les pays de l’Union européenne. En matière de commerce et d’investissement, l’UE est déjà devenue le premier partenaire de la Chine, loin devant les Etats-Unis et le Japon. Pour être franc avec vous, l’UE a des mesures plus souples concernant l’exportation des hautes technologies vers la Chine. Je pense, par exemple, au Projet Galilée, à la coopération avec Airbus et à la coopération électronucléaire. Ce matin, le Roi Albert II m’a encore parlé de la coopération en matière de petites centrales nucléaires de la 4e génération.

Le développement des relations économiques et commerciales sino-européennes correspond aux intérêts fondamentaux des deux parties. En m’exprimant devant vous, je mesure toute la responsabilité qui m’incombe. Je ferai tout mon possible pour résoudre les difficultés et problèmes, qui ne sont que passagers, et faire avancer la coopération économique et commerciale entre la Chine et l’Europe.

Travaillons la main dans la main pour développer nos relations économiques et commerciales et construire un bel avenir pour le partenariat global stratégique sino-européen.

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